Ferveur Gitane
Entre tradition et chaos
Entre tradition et chaos
« La tyrannie du sujet »
Dès l’arrivée aux Saintes Maries je ressens la pression de ce que Jack appellera plus tard « la Tyrannie du Sujet ». Les cérémonies n’ont pas débuté que déjà je suis à la recherche de la photo originale, différente, recherche du thème de ma série. Je croise quelques gitans et membres de la communauté, mais surtout des visiteurs, passionnément accrochés à leur matériel photographique allant du téléphone mobile au reflex dernière génération avec objectifs et accessoires. En attendant la cérémonie je déambule, croise quelques musiciens déjà mitraillés de toute part ; les quelques gitans présents se prêtent volontiers aux séances de selfies. J’entre dans la crypte où une queue s’est formée pour immortaliser l’instant passé à côté de Sainte Sara ; il y a bien quelques fidèles qui essaient de se recueillir, ils sont rapidement bousculés pour laisser la place. La cérémonie va commencer, je me trouve une place non loin de l’autel, la foule est dense, le sacristain a bien de la peine à ouvrir un passage aux ecclésiastiques. La cérémonie se déroule dans un calme relatif ; lors de la descente des reliques les photos crépitent, je perçois une petite dame perdue entre les photographes et leur matériel, qui aimerait se recueillir, mais cela semble bien difficile. La foule se presse autour de Sainte Sara certains arrivent à imposer leurs mains, la majorité cherche à prendre des photos et vidéos : le chaos est assourdissant. La cérémonie se termine, la sortie de Sainte Sara s’organise péniblement ; de mon côté je m’esquive par la porte latérale. Je fais l’impasse sur le cortège et rejoins directement le bord de mer de manière à être prêt pour l’arrivée du cortège. La foule y est déjà présente, dense : le cortège arrive, précédé des cavaliers qui se fraient un passage au risque d’écraser les plus téméraires. Ils forment un cercle pour accueillir Sainte Sara et sa suite. Dans l’espoir de trouver un meilleur angle de prise de vue j’entre dans la mer, sans grand succès. Le cortège prend le chemin du retour. Sur le chemin du retour je rejoins mon équipe qui s’est rapprochée d’une famille de gitans ; finalement un peu de clame et surtout d’authenticité, un échange sincère, sans chichi, enrichissant.
Le deuxième jour, dédié aux gardians et aux arlésiennes se déroule de manière similaire, bien que sensiblement plus dans le calme. Mon expérience est toutefois la même.
Dans la série de photos que je présente j’ai essayé d’illustrer, de transmettre ce sentiment de chaos de la foule de curieux plus que de dévots ; en quête d’authenticité j’ai cherché des situations, des personnes venues pour participer à l’événement et non pas pour ramener des photos, vidéos, qui sans nul doute, finiront dans le fouillis de leur téléphone ou carte SD.
Pour ma part je crains avoir été victime de ce que Jack appelle à juste titre « la tyrannie du sujet », la pression que je me suis mise pour réussir une « Story » m’a fait passer à côté de l’essentiel ; je n’ai pas été disponible, perméable à l’évènement. Le résultat photographiquement parlant n’est pas à la hauteur de ce que j’ambitionnais, en revanche cette expérience a été extrêmement enrichissante. Je crois, j’espère, que j’aborderai mes futurs projets différemment, avec moins de pression, moins d’aprioris.





























